Le footballeur de Liverpool, Mamadou Sakho, a été blanchi plus tôt cette année suite à une enquête de dopage imparfaite. Sa carrière reste dans la balance, tandis que l’AMA, l’organisation qui a si peu contrôlé l’affaire, n’a pas encore été tenu de rendre des comptes.
Une semaine est une longue période dans le sport, comme dans la politique. Le 11 avril dernier, l’UEFA, l’organe directeur du football européen, a publié un article sur son site soigneusement géré par les médias, intitulé « Comment le joueur de Liverpool Sakho a gagné les critiques ». Il était plein d’éloges sur la façon dont l’international Français avait surmonté l’adversité de l’enfance, trouvé la maturité dans un environnement étranger, et développé une éthique du travail que même ses collègues professionnels ont trouvé impressionnant. La carrière de Sakho était en plein essor; Il était un pilier/un titulaire incontestable pour Liverpool à la fois dans la Premier League et l’Europa League, et avait d’excellentes performances avec l’équipe nationale française qui était bien positionnée pour un championnat d’Europe à domicile.
Douze jours plus tard, le nom de Sakho frappait les titres pour des raisons entièrement différentes.
« Sakho frappé d’interdiction après avoir échoué un test anti-dopage. » « L’échec du test de dopage de Sakho ». « Mamadou Sakho a laissé tomber Liverpool. » Ce fut une journée de campagne d’envergure pour les écrivains à travers le pays ; alors des nouvelles ont émergé que Sakho était sous enquête de l’UEFA pour une violation prétendue de règlement antidopage. La révélation ultérieure que le médicament en question était un soi-disant brûleur de graisse a augmenté la spéculation. Comment cet athlète si finement poli aurait-il succombé à la prise de pilules amaigrissantes insignifiantes au sommet de sa carrière?
La condamnation était implacable. Un seul blog en ligne, The Gegenpress, a remis en question la conclusion à l’époque, écrivant que la consommation présumée de drogue de Sakho n’avait « aucun sens », considérant à la fois sa conduite et son dossier sans tache jusqu’alors. L’article, repris plus tard par l’Irish Examiner, a suggéré plutôt que le bien-être mental des joueurs devait être examiner beaucoup plus que toute violation elle-même.
Cependant, vu le peu d’informations disponibles hormis des nouvelles d’une enquête de l’UEFA, escaladée rapidement en une suspension mondiale par la FIFA, l’attention accrue des médias pourrait être. ITrès peu, comme il s’est avéré.
En l’espace de trois mois, l’UEFA a rejeté l’affaire, exonérant Sakho de toute violation des règles antidopage. La couverture a été « tamisée », rattrapée par le tourbillon de la finale du Championnat d’Europe 2016 entre la France et le Portugal, qui devait avoir lieu deux jours plus tard. Le rêve de Sakho de représenter la France dans une finale à domicile avait depuis longtemps disparu. Au lieu de cela, la défense de son innocence était semblable à une rétraction des articles litigieux des tabloïdes, pour les cacher et les mettre hors de notre vue.
La « tache indélébile » d’une condamnation à la corruption sur la réputation d’un sportif et sa carrière a été discutée précédemment dans ces pages. Ensuite, l’article a mis l’accent sur la difficulté de retrouver son niveau professionnel une fois qu’un délai approprié ait expiré et que la justice avait suivi son cours – pour quelqu’un précédemment reconnu coupable d’un crime. Un joueur coupable peut accepter une tache sur sa réputation, mais pour les innocents, comme Sakho, la fausse couche de la justice dure.
Beaucoup d’observateurs peuvent penser que le retour d’un joueur se fera rapidement, et prenne même la forme d’un renouveau rafraîchissant après un temps passé sur les bancs. La réalité est souvent plus dure. Le prix à payer est salé, exacerbé en essayant de rentrer dans un nouvel environnement d’équipe, se réajuster pour répondre à l’absence d’un joueur. Innocent jusqu’à preuve de culpabilité/du contraire n’est pas un concept dont Sakho pourra se vanter d’avoir fait l’expérience.
Tout athlète professionnel comprend le fardeau de sa profession. Les tests anti-dopage inopinés et la surveillance minutieuse de la nutrition sont la norme. C’est un train de vie stressant. Tout comme on marche un peu plus droit en passant un policier dans la rue, les athlètes professionnels succombent au même phénomène freudien – peu importe la façon dont un athlète est « propre », il ne cesse jamais de regarder par-dessus son épaule. Sakho avait apparemment toujours été réticent à prendre toute forme de médicaments ou de suppléments, et avait seulement commencé à prendre des suppléments à l’instigation des clubs professionnels et du staff autour de lui. Sakho, plus que toute autre personne, aurait dû avoir moins à s’inquiéter que la plupart des autres.
Le résultat positif du dopage a été un choc. L’analyse de l’échantillon A de Sakho a révélé la présence d’Higenamine, une substance spéculée pour avoir des qualités de combustion des graisses. L’UEFA a dûment informé Sakho d’une violation des règles d’anti- dopage, affirmant que l’Higenamine avait été interdite en tout temps en vertu de la liste des interdictions de l’AMA, en tant que catégorie S3, bêta-2 agoniste.
La source de l’Higenamine a été rapidement trouvée. Il s’agit d’un complément nutritionne prescrit par l’entraîneur personnel de Sakho, qui a affirmé avoir vérifié rigoureusement la Liste des interdictions de l’AMA, personnellement ainsi par une sourc indépendante, afin de détecter toute substance illégale, et que le résultat serait négatif. Comme la source de la Higenamine était connue, Sakho n’a pas contesté le résultat du test et a renoncé au droit de faire analyser son échantillon B (qui, bien sûr, contient la même urine que la bouteille d’échantillon A) Ce qui arriva ensuite fut cependant remarquable. Le statut de l’Higenamine comme substance interdite par l’AMA, a rapidement transpiré, mais n’a pas été certifié. L’Higenamine n’est pas expressément mentionnée dans les publications de l’AMA comme étant une substance interdite. L’organe de contrôle, d’éthique et de discipline de l’UEFA (CEDB), qui a entendu le cas de Sakho, l’a explicitement noté. Bien que les bêta-2 agonistes soient interdits par l’AMA, il n’est pas clair si l’Higenamine entre dans cette catégorie. La défense, à grands frais personnels de Sakho, a demandé des rapports à deux experts en la matière, dont l’un était récemment récipiendaire du prix Nobel de chimie. Leurs arguments« jettent un sérieux doute » sur la décision de l’AMA de traiter la Higenamine comme bêta-2 agoniste – par conséquent, l’affaire a été rejetée.
Plus remarquable encore, même si cela a été omis, est la condamnation par la CEDB du rôle de l’AMA dans toute l’affaire. Il a constaté que « les laboratoires accrédités par l’AMA n’étaient pas sûrs du statut de l’ Higenamine » et que l’AMA n’avait finalement pas fait de « détermination ferme » sur la classification de l’ Higenamine par des laboratoires accrédités, et l’avait encore moins communiquée à ses athlètes.
La défense de Sakho alla plus loin ; ils prétendent que des sept articles que l’AMA a cités comme preuve que l’Higenamine est un bêta-2 agoniste, deux (dont l’un des deux rédigés par l’un des experts mandaté par Sakho) n’ont même pas examiné le potentiel de l’Higenamine comme bêta-2 agoniste. Un de ces documents indique même que l’Higenamine est en fait un Agoniste Beta-1, qui est une catégorie de substance NON interdite par l’AMA, et non un bêta-2 agoniste.
Même si l’Higenamine par voie orale pouvait être classée comme un Bêta-2 agoniste, il n’existe aucune preuve qu’elle améliore les performances physiques. Ceci a été confirmé par l’un des experts de Sakho, qui avait mené une des seules études sur les effets de l’Higenamine ingérée par voie orale sur les humains. Rien dans la politique de l’AMA ne justifie l’inclusion de l’Higenamine sur sa Liste des interdictions. En dépit de l’opportunité de défendre sa décision de traiter l’Higenamine comme bêta-2 agoniste, l’AMA a choisi de ne pas se présenter à la commission de Sakho – peut-être pas étonnant que cela après tout.
Compte tenu de la prépondérance de preuve si forte en faveur de Sakho et les conclusions de la CEDB maintenant rendues publiques, on devrait se demander pourquoi l’affaire n’a pas été rejetée plus tôt, et même pourquoi une audience a eu lieu.
Peut-être que l’UEFA faisait son travail dans des circonstances difficiles. Les violations antidopage font systématiquement la une des tabloïds et les noms de héros sportifs tels que Lance Armstrong, Ben Johnson et Marion Jones sont maintenant synonymes de dopage. Peut-être l’UEFA essayait simplement de s’assurer que ses propres contrôles antidopage étaient fiables.
Mais cette situation ne tient pas compte de l’impact de cette affaire sur l’individu accusé. Sakho a lutté pour revenir jouer pour Liverpool le plus tôt possible, et pour sauver toute possibilité de rivaliser pour la France dans le Championnat d’Europe 2016. Au lieu de cela il a regardé depuis les tribunes comment ses compatriotes ont tout donné pour devenir des champions d’ Europe. Acquitté juste deux jours plus tôt, il était absent de ce qui aurait dû être le plus grand événement de sa carrière.
Sakho a manqué 7 matchs de Liverpool pendant sa suspension provisoire. Qu’il soit pendant la plus grande partie de la fenêtre de transfert de l’été car l’AMA n’a pas exclu un appel jusqu’à la dernière minute. Il n’a pas joué pour son club depuis qu’il a été informé par l’UEFA qu’il avait échoué son test. Il n’est pas réaliste dans le football, comme dans la politique, de s’attendre à ce que les choses n’auraient pas bougé en l’absence de Sakho. Sans surprise, cela a conduit à une certaine frustration pour Sakho. Une rumeur peu avisée des médias sociaux au petit matin n’est que la dernière histoire à avoir émerger au sujet de sa relation fracturée avec le manager de Liverpool Jurgen Klopp, qui est apparemment «désespérée» de vendre Sakho. Alors que, juste avant l’affaire de Sakho, Klopp avait décrit Sakho comme « spectaculaire ».
Il ne fait aucun doute que cette affaire a changé le cours de la carrière de Sakho. Un transfert semble inévitable, mais le résultat incertain. Si Sakho peut revenir à sa forme et à son statut antérieurs reste inconnu. Il ne jouera sûrement jamais plus dans un championnat majeur dans son pays d’origine.
Un aspect terrifiant du cas de Sakho est qu’une injustice encore plus grande aurait pu lui arriver s’il n’avait pas eu les moyens de donner l’instruction à l’un des plus grands avocats antidopage du monde, Mike Morgan de Morgan Sports Law, et certains des principaux esprits en biochimie . Après tout, très peu d’athlètes ont réussi à contester la catégorisation par l’AMA d’une substance interdite. Le point étant que les choses auraient pu se passer de façon très différente pour Sakho s’il n’avait pas eu les moyens de faire face à l’AMA, les interdictions de dopage s’étendant maintenant jusqu’à quatre ans. Ayez une pensée pour les athlètes qui pourraient se trouver dans la même position, les ressources en moins.
L’épreuve de Sakho ne devrait pas être répétée. Les médias sont complices, se régalant de gros titres, sans cherche à faire la lumière sur cette affaire, et faisant trop peu de l’issue vindicative de la commission. Ces comptes déséquilibrés ne rendent pas service aux les athlètes « propres » dans le monde entier.
L’UEFA et l’AMA jouent un rôle important dans la gouvernance sportive, mais elles doivent être examinées et tenues pour responsables si elles veulent être efficaces. Cela ne porte pas atteinte à leur rôle, mais les aide à améliorer leurs organisations. Et, à titre de corollaire, contribue à protéger les athlètes « propres » contre les injustices potentielles. Malgré la justification par les tribunaux, l’affaire de Mamadou Sakho ne doit pas être consignée aux annales de l’histoire passée, car son avenir est toujours en jeu.
This is a translation of an article authored by Isabelle Westbury on 9 December 2016. You can view the original here.
• This article was originally published in the Sports Integrity Initiative internet journal on 7 January 2017. To access the original, please click here.